Liberation: «Δικαιοσύνη για τον Τσίπρα»
Μια «λιγότερο ορθόδοξη ανάλυση», η οποία «αφήνει λιγότερο χώρο στην ψυχή αλλά περισσότερο στην alètheia» Μια ανορθόδοξη ανάλυση της εκλογικής ήττας του ΣΥΡΙΖΑ και κατ’ επέκταση του Αλέξη Τσίπρα, κάνει ο Λοράν Ζοφρέν, διευθυντής της γαλλικής εφημερίδας «Liberation».Όπως τονίζει, η εύκολη εξήγηση είναι ότι ο Αλέξης Τσίπρας είναι «προδότης», διότι δεν τήρησε τις υποσχέσεις του όταν εξελέγη στην κυβέρνηση, ενώ αντέστρεψε το αποτέλεσμα του δημοψηφίσματος του 2015.
Ωστόσο, αναφέρει, υπάρχει και μια άλλη «λιγότερο ορθόδοξη ανάλυση», η οποία «αφήνει λιγότερο χώρο στην ψυχή αλλά περισσότερο στην alètheia», χρησιμοποιώντας την ελληνική λέξη.
Ο Λοράν Ζοφρέν σημειώνει ότι αν ο απερχόμενος πρωθυπουργός είχε βγάλει την Ελλάδα από την Ε.Ε., τότε η χώρα θα έμενε μόνη της απέναντι στους πιστωτές, θα έπρεπε να διαπραγματευθεί απευθείας με το ΔΝΤ και τις αγορές, στερούμενη ταυτόχρονα τη χρηματοοικονομική βοήθεια των Βρυξελλών.
Όπως τονίζει, ο Αλέξη Τσίπρας έπρεπε να επιλέξει μεταξύ δύο κακών επιλογών: μία μέσα και μία έξω από την Ε.Ε. Και επέλεξε τη λιγότερο κακή στα μάτια του, ακόμη και αν χρειάστηκε να λάβει μη δημοφιλείς αποφάσεις οι οποίες θα καθιστούσαν πολύ δύσκολη την επανεκλογή του.
«Προδότης ή πολιτικός;» αναρωτιέται ο διευθυντής. «Αυτό είναι το πραγματικό ερώτημα και όχι η κριτική σε επίπεδο “μήνυσης” της ριζοσπαστικής αριστεράς προς την κυβερνώσα αριστερά, με αφορμή μιας επί της ουσίας ανύπαρκτης πολιτικής».
Επισημαίνει ότι ο Αλέξης Τσίπρας έκανε αγώνα να παραμείνει πιστός στις ιδέες του, προστατεύοντας τους φτωχότερους, προχωρώντας σε ρύθμιση του χρέους, φέρνοντας ελαφρά ανάπτυξη και μειώνοντας λίγο την ανεργία. Προστατεύοντας πρόσφυγες χωρίς να ενισχυθεί η ακροδεξιά. Έκανε σημαντικές και δίκαιες κοινωνικές αλλαγές, ενώ προχώρησε στη Συμφωνία των Πρεσπών.
«Είναι χοντρή αδικία να συνοψίζουμε την πολιτική Τσίπρα με τη λέξη προδοσία», τονίζει ο Ζοφρέν.
Και καταλήγει αναφέροντας ότι το εκλογικό σώμα, που απογοητεύτηκε από τον Αλέξη Τσίπρα, αντί να επιλέξει αριστερά κόμματα, «μετανάστευσε» στη Δεξιά. Αλλά, τονίζει, αν δούμε ότι ο ΣΥΡΙΖΑ έχασε μόλις τέσσερις μονάδες σε σχέση με το προηγούμενο εκλογικό αποτέλεσμα, ενώ καθίσταται η αριστερή αντιπολίτευση στην κυβέρνηση Μητσοτάκη, τότε «για προδότης δεν τα πήγε και άσχημα».
La défaite dimanche d’un Aléxis Tsípras passé de l’hubris
au pathos a produit, chez les commentateurs, un logos quelque peu
convenu, pour ne pas dire une doxa paresseuse. Le Premier ministre ayant
«trahi», il a été sanctionné par ses électeurs : tel est le
syllogisme souvent convoqué. Il y a pourtant une analyse moins
orthodoxe, qui fait moins de place à la psyché et plus à l’alètheia (la
réalité).
C’est un fait que Tsípras s’est fait élire en refusant l’austérité imposée par l’Union européenne et qu’il s’est résolu, après une volte-face spectaculaire, le lendemain d’un référendum hostile à l’Union, à l’appliquer néanmoins. «Trahison», donc. Mais c’est aussi supposer qu’il y avait une autre politique évidente, plus progressiste, qu’il aurait écartée par duplicité coupable. Or cette politique consistait à sortir de l’Union, ce qu’il a refusé, en accord sur ce point avec la majorité des Grecs. Une fois laissée seule face à ses créanciers (qui n’auraient pas disparu par magie), la Grèce aurait-elle évité l’austérité ? Rien n’est moins sûr. Privé de l’appui de l’Europe, Tsípras aurait dû négocier en direct avec le FMI et les marchés, sans l’aide financière prodiguée par l’Union. Or ces interlocuteurs ne sont guère plus accommodants que l’UE : les créanciers veulent en général récupérer leur créance ; le FMI, en tout état de cause, aurait exigé, comme il le fait toujours en pareil cas, des mesures de redressement draconiennes.
Héritant d’une situation calamiteuse, Tsípras, en fait, n’avait le choix qu’entre deux mauvaises solutions, avec ou sans l’Europe. Il a choisi la moins mauvaise à ses yeux. Etait-ce trahir que de faire la part du feu ? Ceux qui l’affirment doivent expliquer, pour convaincre, comment un pays en faillite, massivement endetté, peut éviter de passer par une phase d’austérité. On peut même avancer que ce qui est en cause, c’est l’irréalisme des promesses faites par la gauche radicale avant la victoire, qui se sont fracassées sur le mur des réalités, et non les décisions prises une fois au pouvoir, que Tsípras a courageusement décidé d’assumer, sachant qu’elles seraient par nature impopulaires et rendraient sa réélection difficile. Traître ou homme d’Etat ? Telle est la vraie question, et non l’éternel procès intenté depuis toujours par la gauche radicale à la gauche de gouvernement, au nom d’une politique en fait inexistante.
Tsípras, au demeurant, dans les limites tragiques du désastre grec, s’est efforcé de rester fidèle à ses idées. Il a ponctionné les classes moyennes et tenté d’amortir le choc pour les plus pauvres. Il a obtenu non l’annulation de la dette mais son rééchelonnement à long terme. La croissance a fait une timide apparition et le chômage a légèrement diminué. Il a accueilli un nombre considérable de réfugiés sans que l’extrême droite en sorte renforcée. Il a mené des réformes de société utiles et justes. Il a négocié un compromis sur la Macédoine (devenue Macédoine du Nord) malgré la pression infernale des nationalistes sur ce dossier hautement sensible. C’est une injustice grossière que de résumer sa politique par le mot de «trahison».
On remarquera enfin que l’électorat, déçu par Tsípras, n’a pas soutenu des candidats plus à gauche que lui, mais au contraire migré vers la droite. Les Grecs ont remis au pouvoir l’héritier d’une dynastie traditionnelle et conservatrice, dont le parti, Nouvelle Démocratie, porte historiquement la première responsabilité dans le désastre. Dans cette configuration, Syriza perd quatre points par rapport à l’élection de 2014 – défaite honorable – et incarne désormais l’opposition de gauche au nouveau pouvoir, dont la politique sera évidemment nettement plus libérale que la sienne. Politiquement, le «traître» ne se porte pas si mal.
Laurent Joffrin Directeur de la publication de Libération
C’est un fait que Tsípras s’est fait élire en refusant l’austérité imposée par l’Union européenne et qu’il s’est résolu, après une volte-face spectaculaire, le lendemain d’un référendum hostile à l’Union, à l’appliquer néanmoins. «Trahison», donc. Mais c’est aussi supposer qu’il y avait une autre politique évidente, plus progressiste, qu’il aurait écartée par duplicité coupable. Or cette politique consistait à sortir de l’Union, ce qu’il a refusé, en accord sur ce point avec la majorité des Grecs. Une fois laissée seule face à ses créanciers (qui n’auraient pas disparu par magie), la Grèce aurait-elle évité l’austérité ? Rien n’est moins sûr. Privé de l’appui de l’Europe, Tsípras aurait dû négocier en direct avec le FMI et les marchés, sans l’aide financière prodiguée par l’Union. Or ces interlocuteurs ne sont guère plus accommodants que l’UE : les créanciers veulent en général récupérer leur créance ; le FMI, en tout état de cause, aurait exigé, comme il le fait toujours en pareil cas, des mesures de redressement draconiennes.
Héritant d’une situation calamiteuse, Tsípras, en fait, n’avait le choix qu’entre deux mauvaises solutions, avec ou sans l’Europe. Il a choisi la moins mauvaise à ses yeux. Etait-ce trahir que de faire la part du feu ? Ceux qui l’affirment doivent expliquer, pour convaincre, comment un pays en faillite, massivement endetté, peut éviter de passer par une phase d’austérité. On peut même avancer que ce qui est en cause, c’est l’irréalisme des promesses faites par la gauche radicale avant la victoire, qui se sont fracassées sur le mur des réalités, et non les décisions prises une fois au pouvoir, que Tsípras a courageusement décidé d’assumer, sachant qu’elles seraient par nature impopulaires et rendraient sa réélection difficile. Traître ou homme d’Etat ? Telle est la vraie question, et non l’éternel procès intenté depuis toujours par la gauche radicale à la gauche de gouvernement, au nom d’une politique en fait inexistante.
Tsípras, au demeurant, dans les limites tragiques du désastre grec, s’est efforcé de rester fidèle à ses idées. Il a ponctionné les classes moyennes et tenté d’amortir le choc pour les plus pauvres. Il a obtenu non l’annulation de la dette mais son rééchelonnement à long terme. La croissance a fait une timide apparition et le chômage a légèrement diminué. Il a accueilli un nombre considérable de réfugiés sans que l’extrême droite en sorte renforcée. Il a mené des réformes de société utiles et justes. Il a négocié un compromis sur la Macédoine (devenue Macédoine du Nord) malgré la pression infernale des nationalistes sur ce dossier hautement sensible. C’est une injustice grossière que de résumer sa politique par le mot de «trahison».
On remarquera enfin que l’électorat, déçu par Tsípras, n’a pas soutenu des candidats plus à gauche que lui, mais au contraire migré vers la droite. Les Grecs ont remis au pouvoir l’héritier d’une dynastie traditionnelle et conservatrice, dont le parti, Nouvelle Démocratie, porte historiquement la première responsabilité dans le désastre. Dans cette configuration, Syriza perd quatre points par rapport à l’élection de 2014 – défaite honorable – et incarne désormais l’opposition de gauche au nouveau pouvoir, dont la politique sera évidemment nettement plus libérale que la sienne. Politiquement, le «traître» ne se porte pas si mal.
Laurent Joffrin Directeur de la publication de Libération
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