Δευτέρα, Ιανουαρίου 16, 2017

Ο ΘΑΝΑΤΟΣ ΤΟΥ "ΧΑΣΑΠΗ ΤΗΣ ΘΕΣΣΑΛΟΝΙΚΗΣ" , ALOIS BRUNNER

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ΑΠΟΣΠΑΣΜΑ ΑΠΟ ΤΗΝ ΕΡΕΥΝΑ ΠΟΥ  ΕΚΑΝΑΝ ΟΙ ΣΥΝΕΡΓΑΤΕΣ ΤΟΥ  ΠΕΡΙΟΔΙΚΟΥ

Le nazi de Damas - Revue XXI


Le nazi de Damas

par Hedi Aouidj et Mathieu Palain
Aloïs Brunner, le « meilleur homme » d’Adolf Eichmann, a vécu quarante ans en Syrie à l’ombre de la dictature du clan Assad. Pour prix de sa protection, l’ancien ingénieur nazi de la « solution finale » a transmis son « savoir-faire ». Ce pacte de sang noué dans les années 1960 a survécu à sa mort.

Un extrait du récit


Serge Klarsfeld a 8 ans quand la Gestapo frappe à sa porte. Nous sommes à Nice en septembre 1943. Serré contre sa mère et sa sœur dans le double fond d’une armoire, il entend son père ouvrir la porte aux Allemands. Serge Klarsfeld ne voit rien, il perçoit des voix. « J’ai dû entendre celle d’Aloïs Brunner. C’était son commando et il venait arrêter personnellement les gens. » Aloïs Brunner envoie le père de Serge Klarsfeld à Drancy, puis à Auschwitz.
Né à Vienne en 1912, nazi de la première heure, maître d’œuvre de la déportation et de l’extermination des juifs d’Europe, Aloïs Brunner est décrit par les siens comme un petit homme sans stature : sombre et nerveux, chétif, les jambes arquées, les yeux très noirs, les lèvres épaisses et la voix monotone. Dans ses mémoires, Adolf Eichmann, l’architecte de la solution finale, dit de lui : « C’était mon meilleur homme. »
Responsable de la déportation vers Auschwitz de 56 000 juifs de Vienne, 43 000 de Salonique, 14 000 de Slovaquie et 23 500 de France, où il a dirigé le camp de Drancy, Aloïs Brunner n’a jamais payé pour ses crimes. À la chute de l’Allemagne nazie, il profite de la condamnation à mort d’un autre Brunner pour se fondre dans la masse des réfugiés, prendre le nom d’un cousin, et se faire employer comme chauffeur de camion par l’armée américaine. En 1947, il travaille dans une mine de charbon à Essen, en Allemagne, puis en 1953 il fuit en Égypte avec le passeport d’un certain Georg Fischer. Il y reste peu de temps avant de filer à Damas, en 1954.
Le grand mufti de Jérusalem aide le nazi dans sa fuite. Condamné à mort pour « crimes de guerre » par le Tribunal des forces armées de Paris, Aloïs Brunner retrouve en Syrie son ami Franz Rademacher, l’ancien chef du service des Affaires juives. Qui l’embauche sous le nom de Georg Fischer dans sa société Otraco, Orient Trading Company.
Il est difficile de retracer avec précision les dix premières années syriennes d’Aloïs Brunner. Son dossier de 581 pages a été détruit en 1994 par le BND, les services secrets ouest-allemands. Interrogé par le magazine Der Spiegel, le BND a évoqué « un regrettable incident ». Que Georg Fischer ait été un informateur des services secrets ouest-allemands n’aurait rien d’étonnant : ils ont été fondés par Reinhard Gehlen, un ancien nazi.
Épluchant le courrier d’un autre nazi réfugié au Moyen-Orient, les Américains réalisent à la fin des années 1950 que Georg Fischer est Aloïs Brunner. Dans une lettre signée Fischer, Brunner recommande à son ami de lire attentivement J’ai chassé Eichmann, le livre de Simon Wiesenthal publié en 1961, un an après la capture à Buenos Aires de l’architecte de la solution finale.
Cette même année 1961, le bras droit d’Eichmann perd un œil en réceptionnant un colis piégé à la poste de Damas. Brunner comprend qu’il est « logé ». Premier pays à se manifester, l’Autriche formule une demande d’extradition officielle. Les puissances de l’après-guerre savent dès lors que le nazi vit sous couverture en Syrie.
C’est en 1966 que le pacte formel entre Aloïs Brunner et l’État syrien naissant se noue. Cette année-là, un certain Hafez el-Assad accède au ministère de la Défense à la faveur d’un énième coup d’État. Dans ses bagages, le nouvel homme fort dispose d’un expert aux sérieuses références. Le « meilleur homme » d’Eichmann a déjà conseillé le pionnier des services de sécurité syriens, Abdel Hamid el-Sarraj, comme le révélera Claude Palazzoli, un ancien enseignant à l’université de Damas proche de la diplomatie française.
Cinq ans plus tard, Hafez el-Assad s’empare du pouvoir. Avec l’aide d’Aloïs Brunner, le nouveau président syrien met sur pied un appareil répressif d’une rare efficacité. Complexe, divisé en nombreuses branches qui toutes se surveillent et s’épient, fonctionnant sur la base du cloisonnement absolu, cet appareil s’érige sur un principe : tenir le pays par l’usage d’une terreur sans limites.
À la mort du dictateur en 2000, Bachar el-Assad, son fils, hérite d’un État construit à la paille de fer. Pendant trente ans, l’appareil de terreur et de secret n’a cessé de se perfectionner. Solidement installé à tous les niveaux du pouvoir, il contrôle jusqu’aux moindres détails de la vie quotidienne.
Un des plus proches de la famille Assad, membre du premier cercle, confirme l’importance d’Aloïs Brunner dans ce dispositif : « En matière de diplomatie, Hafez el-Assad marchait sur les lignes rouges : aucun État n’était prêt à risquer quoi que ce soit pour obtenir Brunner. » Réfugié depuis peu à l’étranger, l’homme n’a rien oublié de ses terreurs enfantines : « Avec mes amis, on jouait à se faire peur en observant sa maison aux stores toujours fermés, même les jours de grand beau. C’était notre maison hantée à nous, vous voyez. Après, ils l’ont déménagé. »
Le chasseur de nazis Simon Wiesenthal a témoigné, avant sa mort en 2005, du rôle crucial joué par Brunner en Syrie. Gendarme à la section de recherches, le commandant Philippe Mathy, qui enquêta aussi sur les dossiers Touvier et Barbie, raconte : « J’ai vu Simon Wiesenthal deux fois chez lui à Vienne. Il était déjà âgé, mais il avait la tête sur les épaules. Il m’a confirmé que Brunner avait été recruté à son arrivée à Damas, en 1954, pour former les services secrets syriens qui étaient encore dans leur phase de création. »
Serge Klarsfeld, qui a traqué Brunner toute sa vie, confirme : « Un agent des services spéciaux français très actif en Syrie dans les années 1980 m’a dit que Brunner avait conseillé le régime comme policier politique. »
À Damas, les Assad père et fils ont constamment nié sa présence, répondant à toute question : « Nous ne connaissons pas cet homme. » Depuis soixante ans, le fantôme d’Aloïs Brunner plane sur la Syrie. Jusqu’ici même sa mort n’était qu’une hypothèse disputée. Pour les uns, il se serait éteint en 1992. Pour d’autres en 2010 à l’âge de 98 ans. D’autres encore le pensent toujours vivant.
Dans des entretiens exclusifs, trois Syriens engagés dans les unités secrètes en charge de la protection de l’ancien nazi à Damas brisent cette chape de plomb. L’un parle à visage découvert, les autres sous la protection d’un pseudonyme. Leurs récits, terribles et accablants, concordent dans les moindres détails. Recoupés par de nombreux entretiens avec les acteurs du dossier, leurs témoignages attestent d’une histoire qui trouve ses racines dans un passé que l’on croyait proscrit, et éclairent le drame qui se joue en Syrie.
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Les coulisses du récit


Tout commence par une discussion à bâtons rompus, un jour d’octobre à Istanbul. Hedi Aouidj, un journaliste free-lance qui couvre le conflit syrien depuis plusieurs années, sursaute quand un « fixeur » (à la fois interprète et assistant) évoque une relation qui aurait bien connu un certain « Fischer », protégé par le régime de Damas. Fischer… Hedi connaît ce nom… C’est le pseudonyme d’Aloïs Brunner, l’un des nazis les plus recherchés depuis 1945. Le reporter remonte aussitôt le fil qui conduit en Jordanie. C’est la première pièce du puzzle : il faut un journaliste sur le terrain, cultivé et attentif.
Hedi Aouidj a déjà publié dans XXI un reportage, « La Couveuse de Daech », sur un étudiant syrien qui avait partagé son cachot avec des éclopés de la vie, de pauvres types devenus par la suite des hommes forts de l’État islamique. Il appelle le rédacteur en chef de XXI. On est un mercredi : « Va en Jordanie ! » Le vendredi, Mathieu Palain, un membre de la rédaction de XXI, est mis au parfum. Le samedi, Hedi Aouidj arrive à Irbid, en Jordanie. C’est la deuxième pièce du puzzle : il faut une rédaction qui ait les moyens de financer « pour voir » un voyage qui peut faire « pschitt », un journal qui mobilise tout de suite ses forces.
Pendant quinze jours, un duo se met en place. Hedi gagne la confiance de plusieurs sources, accumule les rendez-vous et les entretiens dans une petite pièce, à l’abri des oreilles indiscrètes, et retranscrit les témoignages. Par messagerie, il envoie chaque soir les scripts des entretiens. À Paris, Mathieu se gave de documentation, confesse le gendarme qui pendant douze ans a mené la traque, voit le juge d’instruction, sollicite Serge Klarsfeld qui ouvre ses archives. Et envoie des listes de questions, de détails à recouper ou à vérifier. C’est la troisième pièce du puzzle : il faut un travail minutieux pour renverser la méfiance, recouper tous les indices, traquer les récits trop parfaits, questionner les blancs. Le journalisme a besoin de temps et de ce carburant impalpable qu’on appelle l’envie.
Tout se met en place. L’enquête est bouclée. À peine descendu de l’avion, Hedi Aouidj file à la rédaction de XXI pour dégager un plan avec Mathieu Palain. Quelques jours plus tard, une « V-1 » est mise en forme, un premier jet qui sera repris une dizaine de fois par les journalistes, la rédaction en chef, le secrétariat de rédaction et la direction artistique. C’est la quatrième pièce du puzzle : il faut une méthode et une exigence pour rendre intelligible, vivant et clair un immense jeu de pistes de soixante ans.

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